vendredi 14 novembre 2014

Découverte d’une Rotation Asymétrique d’Uranus

Longtemps vu comme l’une des régions les plus calmes de toutes les planètes géantes gazeuses, l’hémisphère Sud d’Uranus se révèle en fait être le lieu de nombreux phénomènes atmosphériques jamais vus auparavant, indiquant l’existence de processus inhabituels dans les couches internes de la planète.



Visualisation d'Uranus avec ses anneaux et ses satellites... et ses nuages
au pôle Sud, en fausses couleurs (University of Arizona)
C’est en réanalysant des images d’Uranus prises il y a 28 ans par la sonde Voyager 2, que l’astronome américain Erich Karkoschka, de l’université d’Arizona, a réussi à mettre en évidence des structures jusque-là invisibles, qui révèlent des structures de rotation étranges et inattendues. Cette découverte jette un regard nouveau sur les structures internes des planètes gazeuses géantes, non seulement sur le cas particulier d’Uranus mais valable aussi pour tout type de planète ou exoplanète gazeuse.

Lorsque Voyager-2 survola Uranus en janvier 1986, les images qu’elle nous envoya montrèrent un disque bleu pâle, sur lequel aucun détail ne pouvait être distingué, a contrario des images fabuleuses obtenues sur Jupiter ou Saturne et plus tard Neptune. On n’y voyait pas plus de 8 structures très faibles, toutes situées dans l’hémisphère sud. Et parmi ces structures atmosphériques, une seule était localisée dans la moitié la plus australe de l’hémisphère sud. Et ni le télescope Hubble ni d’autres télescopes ne permirent de déceler d’autres détails sur Uranus… La moitié la plus au sud de l’hémisphère sud d’Uranus semblait être la zone la plus calme de tout le système solaire.
Les travaux que Erich Karkoschka a présentés cette semaine lors de la réunion de l’American Astronomical Association à Tucson au Texas ont été obtenus grâce à l’analyse très fine, par de nouveaux algorithmes de reconnaissance de forme, des images de Voyager-2. Il a pu ainsi découvrir des dizaines de petites structures nuageuses qui avaient un contraste extrêmement faible. Erich Karkoscka avait connu un succès semblable lorsqu’il avait réanalysé les images du voisinage d’Uranus 13 ans après le passage de Voyager-2 et avait découvert un nouveau satellite, Perdita. Le planétologue s’amuse en précisant que la mémoire d’ordinateur nécessaire pour traiter les 1600 images d’Uranus n’était pas disponible à l’époque la mission et ne pouvait même pas être imaginée. Aujourd’hui, ces travaux peuvent être menés pour une fraction infime du coût d’une mission spatiale.

Uranus imagée par Voyager-2 en 1986
(NASA)
Après ces traitements d’images élaborés où le contraste a dû être réhaussé d’un facteur 300 par rapport à l’original, on parvient à voir nettement ce qui ressemble à des nuages convectifs qui seraient causés par des phénomènes de condensation. Certaines structures ressemblent à des nuages qui s’étendent sur plusieurs centaines de kilomètres. Mais c’est la rotation de l’ensemble qui est très étonnante. Les mouvements des nuages, qui suivent les vents, se développent soit vers l’Est, soit vers l’Ouest avec une vitesse qui dépend de la latitude. Et connaître la période de rotation à chaque latitude permet alors de connaître toute la circulation atmosphérique de la planète.
C’est à Giovanni Cassini que l’on doit les premières mesures de rotation d’une planète géante, lorsqu’il suivit le mouvement de la Grande Tache Rouge sur Jupiter en 1665. Depuis lors, les astronomes ont pu déterminer la totalité des structures rotationnelles de Jupiter et Saturne, mais seulement 75% pour Uranus et Neptune. Grâce à Karkoschka, on peut désormais monter le pourcentage d’Uranus à 100%.
Le phénomène étonnant qui est mis en évidence par Karkoschka, c’est que la rotation d’Uranus paraît asymétrique, alors que toutes les autres planètes ont une rotation identique dans leurs deux hémisphères. Ce n’est pas le cas sur Uranus : les latitudes Sud ont une rotation 15% plus rapide que les latitudes Nord…

Ce résultat défie bien sûr toutes les théories sur les atmosphères de planètes gazeuses. Erich Karkoschka précise : « La rotation inhabituelle des hautes latitudes australes d’Uranus est certainement due à une structure inhabituelle à l’intérieur d’Uranus. Bien que la nature de cette structure et son interaction avec l’atmosphère ne sont pas encore  connues, l’observation de cette rotation anormale laisse présager que l’on peut apprendre des choses sur l’intérieur des planètes gazeuses par ce moyen. »

Credit : Erich Karkoschka/University of Arizona

Sonder l’intérieur des planètes gazeuses est un réel challenge. Peu de données existent aujourd’hui. Les rares techniques qui permettent d’obtenir quelques informations sont des observations d’ondes radio, qui ont mis en évidence la rotation du champ magnétique, qui traduit probablement une rotation de leur cœur interne. D’autres mesures ont essayé d’exploiter les champs gravitationnels, mais sans résultats très probants. Les mesures de rotation atmosphériques telles que celles de Karkoschka pourrait donc permettre d’avancer en améliorant les modèles.

Il faut se rappeler aussi qu’Uranus n’est pas tout à fait comme les autres planètes du système solaire : son axe de rotation est renversé presque à 90° par rapport à l’orthogonale au plan de l’écliptique. Cela signifie que chacun de ces pôles pointe directement vers le soleil durant plusieurs dizaines d’années, la période d’Uranus autour du Soleil étant de 85 ans. Le pôle Sud d’Uranus est ainsi entré en 2007 dans une longue nuit de 43 ans, désormais invisible depuis la Terre, en attendant la prochaine sonde spatiale…

Source : 
University of Arizona



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