vendredi 29 août 2014

Des Photons Inconnus de 3,54 keV dans le Centre de notre Galaxie

La nouvelle est tombée au cœur de la torpeur estivale aoûtienne, le 12 août, sur le site de preprints Arxiv. Vous vous souvenez de la découverte que je vous ai rapportée le 26 février dernier : l'observation d'une raie inconnue à 3,5 keV en provenance du centre de la galaxie d'Andromède et de nombreux autres amas de galaxies, là où la concentration de matière noire serait la plus importante....


Spectre de rayons X mesuré dans le centre Galactique (Boyarsky et al.)
Et bien, l'une des équipes à l'origine de ces observations s'est penchée sur des données d'observations de notre propre galaxie, la Voie Lactée, à la recherche d'une présence éventuelle de ces photons de 3,5 keV mystérieux. Alexey Boyarsky de l'Université de Leiden et ses collègues Ukrainiens et Suisses ont exploré les données engrangées par le satellite XMM-Newton vers le centre galactique. Et la nouvelle est très intéressante puisqu'ils trouvent à nouveau la présence de rayons X ayant une énergie de 3,54 keV exactement!

Nous aurions donc des photons de 3,54 keV inconnus provenant du centre de la galaxie d'Andromède, de l'amas de Persée, de 73 autres amas de galaxies, et maintenant de notre propre galaxie.

Pourquoi ces photons de 3,54 keV sont-ils si intrigants ? Parce qu'ils ne correspondent à rien de connu (il existe bien des transitions atomiques de l'argon et du potassium qui se trouvent à proximité dans le spectre, mais pas tout à fait au même endroit, même lorsque sont pris en compte tous les effets de décalage spectral et autre élargissement spectral), et ces photons semblent provenir uniquement de zones où devrait se concentrer la matière noire (les centres galactiques et les centres des amas de galaxies), avec une répartition compatible avec celle de la matière noire modélisée.

XMM-Newton (ESA/CNES)
La seule solution plausible à ce jour pour cette source est une désintégration de particules légères de matière noire de type neutrinos stériles. Les neutrinos stériles seraient une nouvelle forme de neutrinos, beaucoup plus massifs que les trois neutrinos que nous connaissons. Le neutrino stérile est qualifié de cette manière car il ne produit aucune interaction avec la matière ordinaire, il n'est sensible qu'à la gravitation.

Et les théories décrivant les neutrinos stériles indiquent qu'un tel neutrino peut être instable, avec une très longue durée de vie, et se désintègre en deux particules emportant chacune la moitié de l'énergie de masse du neutrino stérile : un neutrino "normal" et un photon. C'est ce photon de désintégration qui serait observé à 3,54 keV. Le neutrino stérile aurait alors une masse de 7,08 keV.

Cependant, Boyarsky et al. se veulent prudents et n'osent pas parler de découverte. L'analyse des données des satellites XMM-Newton et Chandra dans ces régions galactiques est délicate, le signal est très faible. Il faudra encore d'autres observations pour rendre ces résultats plus robustes, ce qui devrait pouvoir être effectué l'année prochaine avec le lancement d'un nouveau télescope X prometteur.
Référence :

Checking the dark matter origin of 3.53 keV line with the Milky Way center
A. Boyarsky et al.
http://arxiv.org/pdf/1408.2503.pdf

jeudi 28 août 2014

Il y a 25 ans, Voyager frôlait Triton

Il y a un quart de siècle, la sonde américaine Voyager 2 frôlait Triton, satellite de la plus lointaine planète de notre système, Neptune. Pour célébrer cet anniversaire, la NASA à retraité les images de l'époque. Regardez ce monde étrange situé à environ 4,5 milliards de kilomètres de nous...




Triton et Neptune (JPL/NASA)

jeudi 7 août 2014

Le Mystère Eta Carinae

L’étoile binaire êta Carinae n’est pas une étoile comme les autres. C’est un mystère, un mystère qui fascine les astronomes depuis le 19ème siècle.



Eta Carinae est composée de deux étoiles qui se tournent autour en 5,5 ans. La plus grosse est énorme, elle pèse 90 fois la masse du Soleil, et se trouve être incroyablement  instable. Une grosse nébuleuse gazeuse formant deux gros lobes (la nébuleuse de l’Homoncule), elle-même plongée dans une autre masse de gaz (la nébuleuse d’êta Carinae) entoure l’ensemble. Lorsque sa petite compagne se rapproche au plus près d’elle, comme c’est le cas en ce moment, l’interaction entre les deux étoiles produit des changements brutaux dans l’émission à haute énergie du système.

Eta Carinae (NASA/ESA)

Les astronomes sont actuellement en train de scruter attentivement êta Carinae, visible dans l’hémisphère sud, dans l’espoir de comprendre ce qui se passe vraiment au cœur de cette étoile étrange. Dans les années 1840, êta Carinae a produit une énorme éruption, produisant une forte variation de luminosité, faisant d’elle l’une des étoiles les plus brillantes du ciel (et probablement formant les lobes gazeux de l’Homoncule), puis elle s’est apaisée durant une centaine d’années pour se réveiller ces dernières décennies, avec toutefois un nouveau sursaut de luminosité en 1890.
Eta Carinae est dans un état extrêmement instable et nous ne savons toujours pas pourquoi aujourd’hui. Une partie de la réponse à ces questions viendra peut-être dans les semaines qui viennent. Une étude parue en 2013 dans les Notices of the Royal Astronomical Society a montré que quand l’étoile secondaire d’êta Carinae (la petite) passe à proximité de la grosse, ses vents stellaires rapides creusent une sorte de vaste trou à l’intérieur des couches externes de l’étoile primaire. Si c’est bel et bien le cas, vu l’endroit où se trouve l’étoile secondaire, c’est ce mois-ci qu’une série d’événements devraient avoir lieu, comme par exemple une forte augmentation de rayons X après la chute qui a pu être observée depuis la mi-juillet.
L’étude de êta Carinae a une portée bien plus grande que la connaissance d’une étoile bizarre, comprendre ses secrets peut permettre de mieux appréhender comment fonctionnaient les toutes premières étoiles de l’Univers, les étoiles de première génération. Car en effet, êta Carinae, par sa masse, ressemble à s’y méprendre à une étoile de l’Univers ancien (d’il y a 10 milliards d’années), alors qu’elle se trouve seulement à 7500 années-lumière de nous… Les étoiles de l’Univers d’aujourd’hui dans notre voisinage sont beaucoup plus légères qu’êta Carinae.
Aux environs du 15 août, la petite étoile compagne doit passer au plus près de l’étoile géante, à une distance aussi faible que la distance séparant le soleil de Mars. Plusieurs observatoires sont d’ores et déjà sur le pont.
Le télescope spatial Hubble est également mis à contribution, notamment pour déceler une éventuelle variation de la composition chimique de l’étoile via l’observation de son spectre lumineux. L’interaction entre les deux compagnes peut produire l’arrachage d’électrons sur des éléments comme le fer ou l’hélium, les ionisant de manière très inhabituelle par rapport à ce que l’on connait. Le suivi dans le temps de la quantité de ces ions permet de déterminer le comportement des vents stellaires à l’origine de leur production.
En 2009, lors de son dernier rapprochement, le système êta Carinae subit une forte décroissance de rayons X suivie d’une puissante remontée en deux fois moins de temps que ce qui avait été observé la fois précédente en 2003. Cette différence est imputée à un possible ralentissement des vents stellaires de l’étoile primaire au cours du temps. Les astronomes espèrent ainsi cette année voir le rebond de rayons X encore plus rapide, ce qui signerait la poursuite du ralentissement des vents stellaires de l’étoile.

Les astrophysiciens désirent vraiment voir des variations de tels phénomènes sur des durées de quelques années, ce qui est possible ici, la seule façon d’essayer d’y comprendre quelque chose à cet objet hors du commun.

Source :
Binary star to spill celestial secrets
Alexandra Witze

Nature 512, 13–14 (07 August 2014)

lundi 4 août 2014

Perséides : Petite Pluie d'Etoiles Filantes en Perspective...

Ce billet concerne la pluie d'étoiles filantes des Perséides de 2014, concernant la pluie d'étoiles filantes de 2015, rendez vous ici

C'est à cause de la Lune. Je dois vous avertir que vous ne verrez pas beaucoup d'étoiles filantes dans les nuits du 12 au 14 août 2014... Alors que les Perséides sont un des spectacles astronomiques les plus visibles par tout le monde (pas besoin du moindre instrument, il suffit de s'allonger dans l'herbe loin de toute source de lumière), cette année ne sera malheureusement pas un bon cru. Ce n'est pas que la fréquence des météores prévue soit particulièrement faible cette année, elle est du même niveau que les années précédentes, c'est à dire environ une centaine d'étoiles filantes par heure, non, c'est que la Lune sera là, presque pleine, et donc durant presque toute la nuit. Et qui plus est, ce mois est un mois de SuperLune, avec une Lune proche de la Terre et donc diamètre apparent augmenté de 14%, ce qui produit une luminosité (proportionnelle à la surface) augmentée de 30%...


La Lune nous renvoie la lumière du Soleil avec une forte intensité lorsqu'elle est pleine, et de la même façon que la présence du soleil ou des lampadaires nous empêchent de voir les étoiles dans le ciel, la quasi-pleine Lune nous cachera les plus faibles étoiles filantes entre le 12 et le 14 août, les dates du maximum de nos chère Perséides estivales...
Les météores les plus lumineux pourront tout de même être visibles, notamment ceux qui apparaîtront dans la direction opposée à celle de la Lune, mais cela laissera forcément un sentiment de déception...

Il vaut mieux le savoir à l'avance plutôt qu'attendre en vain et maudire ces satanés astronomes qui nous racontent des bobards...

La bonne nouvelle, c'est qu'il y a des étoiles filantes dans le ciel à peu près pendant tout le mois d’Août, quoiqu'en plus petites quantité, visez plutôt la fin du mois pour attendre le croissant lunaire moins gênant. Et puis il vous reste toujours des milliers d'autres étoiles  (non filantes) à contempler à l’œil nu, allongés dans l'herbe dans la douceur de la nuit... 


L'autre bonne nouvelle c'est que l'année prochaine, en 2015, la nuit du 12 août sera totalement noire, sans Lune, un régal en perspective...

En attendant, laissez vous emporter par la contemplation de la Voie Lactée, du grand Triangle de l'été, les constellations du majestueux Cygne ou du menaçant Aigle juste au dessus de vos têtes...

Bonnes Vacances, Bon Ciel!