vendredi 3 octobre 2014

La comète Siding Spring va frôler Mars le 19 octobre 2014

Vous vous souvenez sans doute de la comète ISON qui frôla le Soleil en novembre dernier et qui devait nous fournir de nombreuses données grâce à une armada de satellites et autres sondes qui avaient été braquées vers elle pour l’occasion, une occasion unique de scruter une telle comète ultra-rasante (et qui s’en est d’ailleurs brûlé la chevelure). Et bien ce ne sera peut-être rien par rapport à ce que nous attendons fébrilement pour le 19 octobre prochain.



C’est en effet le 19 octobre 2014 qu’une belle rencontre va avoir lieu : une comète, dénommée Siding Spring (de son vrai nom C/2013 A1) va littéralement frôler, non pas le Soleil, ni la Terre, mais Mars ! Et quand je dis frôler, c’est réellement frôler :  Siding Spring va passer à seulement 100000 km environ de la surface martienne, soit un tiers de la distance séparant la Terre de la Lune. On peut même dire qu’on a manqué de peu un spectacle qui aurait été encore plus exceptionnel ou grandiose, l’impact…

Trajectoire de la comète Siding Spring (NASA)
Mais ce passage très proche est tout de même une opportunité incroyable. Comme vous le savez peut-être, Mars est la planète la plus étudiée actuellement, possédant pas moins de 5 sondes en activité qui lui tournent autour. Le spectacle promet ainsi d’être observé de très près, sous toutes les coutures possibles.

Et qui plus est, Siding Spring, découverte par des astronomes australiens en janvier 2013,  n’est pas une comète « classique », elle provient de la zone très externe du système solaire appelé le nuage d’Oort, qui forme comme une sorte de coquille sphérique peuplée de milliards de petits corps de glace, à une distance de 30000 unités astronomiques du Soleil (ou 0,5 année-lumière si on préfère). Ces corps ont au moins l’âge du Soleil : 4,6 milliards d’années, et on estime que Siding Spring s’est échappée du nuage d’Oort pour sa première fois. Les informations que nous allons en tirer seront donc extrêmement précieuses. Les comètes plus classiques, comme par exemple la comète 67P bientôt étudiée in situ par Rosetta/Philae, elles, possèdent des orbites situées dans le plan des orbites planétaires, ont une période orbitale de quelques dizaines à quelques centaines d’années et proviennent d’une zone annulaire de petits corps bien moins éloignée, un peu au-delà de l’orbite de Neptune, qui est appelée la ceinture de Kuiper.

On sait que Siding Spring se rapproche pour la première fois de l’intérieur du système solaire car des mesures ont montré qu’elle possède une quantité significative de monoxyde et de dioxyde de carbone, qui auraient été très vite volatilisés en cas de multiples passages près du Soleil.
Les 5 sondes en orbite autour de Mars sont donc aux avant-postes, nous avons ici les américaines Mars Odyssey, MRO (Mars Reconnaissance Orbiter) et MAVEN (Mars Atmosphere and Volatile EvolutioN), l’européenne Mars Express, et la toute nouvelle sonde Indienne MOM (Mars Orbiter Mission). Mais ces sondes seront tellement proches de la comète, et surtout de sa queue, que cela en devient problématique.

Toutes ces sondes ou presque ont ainsi été programmées pour modifier leur trajectoire (le cas de la sonde Indienne n’a pas encore été totalement finalisé) afin de se trouver de l’autre côté de Mars durant les quelques dizaines de minutes où la queue de la comète va copieusement arroser l’atmosphère de la planète. Des instruments sur MAVEN vont même être complètement éteints pour éviter tout risque électromagnétique.

Siding Spring (C/2013 A1) imagée le 4 mars 2014 en Australie
(Rolando Ligustri)
Mais avant le passage au plus près et juste après, les sondes devraient se régaler en laissant tomber Mars pour se tourner vers le noyau de cette étonnante comète venue des confins du système solaire. Les planétologues espèrent qu’ils pourront imager le noyau cométaire avec MRO, ce qui serait une première pour un objet du nuage d’Oort. Hormis la dimension et la forme de C/2013 A1, on devrait pouvoir mesurer son albédo (comment elle réfléchit la lumière), ce qui fournira des informations sur sa composition.
Quant à MAVEN, qui est dédiée à l’étude de l’atmosphère de Mars, elle pourra tout aussi bien étudier le gaz entourant la comète ainsi que sa chevelure. Il y a même mieux : comme la queue de la comète devrait taper dans l’atmosphère de Mars, on s’attend à des phénomènes tout à fait particuliers, et qui seront observés grâce à MAVEN. La collision devrait produire des aurores dans l’atmosphère de Mars ainsi qu’un échauffement local de près de 50°, ce qui est loin d’être négligeable. 

Cette rencontre impromptue et si prometteuse ne durera que quelques jours, Siding Spring poursuivra son chemin en quittant le plan orbital des planètes et ne reviendra à notre voisinage que dans plusieurs millions d’années peut-être. Entre temps, notre connaissance de notre environnement planétaire lointain devrait s’être fortement améliorée, en espérant que la prochaine visite de ce type ait lieu à proximité de la Terre (mais pas trop quand-même).



Source : 
Intruder from the Oort cloud will graze Mars
E. Hand
Science Vol. 346 no. 6205 p. 19  (3 October 2014)


2 commentaires :

David a dit…

Waow ! Une idée de ce qu'on pourra voir du spectacle (aux jumelles en ce qui me concerne) ?

Dr Eric Simon a dit…

Hélas, à nos latitudes, Mars se couche vers 21h à cette date... Pas grand chose à observer. En revanche, dans l'hémisphère sud...