lundi 20 octobre 2014

IRIS, un Œil acéré sur la Surface du Soleil

Le Soleil est l'objet le plus imposant de notre système solaire, il  fournit la chaleur et la lumière qui permettent la vie. C'est une étoile banale, d'âge moyen, qui produit de l'énergie par fusion nucléaire de ses atomes d'hydrogène en atomes d'hélium. Mais le Soleil n'est pas qu'une simple boule de gaz rayonnante, il possède une atmosphère qui est très changeante et complexe.




Explosion sur la photosphère imagée
par IRIS le 9 mai 2014 (NASA/IRIS)
C'est dans l'optique d'étudier plus en détails l'interface entre la surface du Soleil (appelée la photosphère) et sa couronne que la sonde IRIS a été lancée par la NASA en juin 2013. Cette interface est le lieu où le plasma voit ses caractéristiques changer brutalement, passant d'opaque à transparent et où l'on passe d'un milieu dominé par le gaz (phénomènes hydrodynamiques) à un milieu dominé par des champs magnétiques (phénomènes magnétohydrodynamiques), .
Les premiers résultats d'IRIS (Interface Region Imaging Spectrograph) viennent d'être publiés dans Science et font même l'objet de la couverture et d'un cahier spécial.
Ces premiers résultats très riches montrent une région tout sauf calme : des champs magnétiques tordus côtoient des sortes de petites explosions apparaissant à intervalles réguliers, des particules accélérées produisent un échauffement au sein de boucles de matière coronale, et des petits jets et boucles de plasma apparaissent à des températures plus froides... 
On peut par exemple mentionner la découverte de l'existence de boucles magnétiques de très courte durée de vie, la mise en évidence de zones de plasma ayant des vitesses opposées mais parallèles et adjacentes, ou encore l'observation pour la première fois de petits jets à très haute vitesse apparaissant fréquemment dans les trous coronaux et liés aux structures de convection des couches sous-jacentes, et qui sont suspectés de jouer un rôle important dans la production du vent solaire.

Toutes ces observations fournissent de nouvelles données très utiles pour bien comprendre comment se créent à la fois l'atmosphère solaire et le vent solaire. Le problème de l'échauffement coronal est notamment une énigme bien connue en astrophysique : lorsque l'on s'éloigne, vers l'extérieur, de la surface du Soleil, qui rappelons-le a une température de 6000 degrés, alors que l'on peut s'attendre logiquement à voir la température décroître, et bien au contraire, la température augmente jusqu'à plusieurs millions de degrés... Ce phénomène commence maintenant à être mieux compris, notamment grâce aux observations d'IRIS, qui montrent le rôle primordial que jouent les champs magnétiques dans ce processus.
Vue d'artiste de IRIS (NASA)

Ce sont aussi les champs magnétiques présents dans la zone d'interface de la surface du Soleil qui semblent être responsables des violentes éruptions qui peuvent libérer une énergie équivalente à plusieurs dizaines de millions de bombes nucléaires... IRIS permet d'étudier ces transferts d'énergie à travers l'atmosphère solaire.
Ce qui se déroule dans cette zone d'interface entre la photosphère et la couronne solaire est crucial à connaître car cela impacte directement l'héliosphère, cette zone d'influence du Soleil dans laquelle les planètes se meuvent. 

Pour effectuer ces délicates observations, IRIS est munie d'un télescope relativement modeste de 20 cm (plus petit que mon Dobson !), qui observe le Soleil dans l'ultra-violet proche et lointain, des longueurs d'ondes inaccessibles sur Terre du fait de leur absorption par l'atmosphère. Ce télescope est en fait un spectrographe, qui permet non pas de faire de simples images, mais surtout de décomposer le spectre lumineux pour en extraire toutes les informations précieuses fournissant des éléments clés sur les processus physiques en présence. Et ce n'est que récemment que des avancées informatiques dans le domaine de la magnétohydrodynamique radiative en 3D ont permis de pouvoir exploiter complètement les spectres acquis par IRIS.

Ces premiers résultats montrent vraiment la puissance de la spectroscopie pour comprendre les diverses sources d'énergie du Soleil, qui sont à l'origine de phénomènes qui peuvent nous toucher directement, comme le vent solaire (pour la santé de nos astronautes), les grosses éruptions (pour la santé de nos satellites) ou les éjections de masse coronale (pour la santé de nos centrales électriques et de nos économies).


Sources :
Looking closer at the Sun
Louise K. Harra
Science Vol. 346 no. 6207 pp. 305-306 (17 October 2014)

V. Hansteen et al., Science 346, 1255757 (17 October 2014)
B. De Pontieu et al., Science 346, 1255732 (17 October 2014)
H. Peter et al., Science 346, 1255726 (17 October 2014)
P. Testa et al., Science 346, 1255724 (17 October 2014)
H. Tian et al., Science 346, 1255711 (17 October 2014)

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