mardi 22 juillet 2014

G2 ou le Flop du Trou Noir

Je vous en avais parlé le 16 mai 2013, puis à nouveau le 12 janvier 2014, il faut que je revienne un instant sur G2. Les astrophysiciens espéraient voir un superbe spectacle, celui d'un nuage de gaz fonçant à toute vitesse vers le trou noir supermassif de notre galaxie.



Vue d'artiste du nuage G2 autour de Sgr A*
Cela aurait pu, aurait dû être un spectacle car ledit nuage de gaz devait "rallumer" notre gros trou noir Sgr A*, qui se trouve désespérément calme. Pour étudier cet objet sombre rien de tel qu'un peu de matière pour le nourrir, ce qui aurait produit pas mal de rayonnements que nous aurions pu analyser tranquillement dans le détail. Mais il n'en fut rien. Il faut se rendre à l'évidence, il ne se passera rien cette année autour de Sgr A*. G2 n'a pas été au rendez-vous.
La raison pour laquelle il ne s'est rien passé est aujourd'hui investiguée et plusieurs hypothèses voient le jour. Une hypothèse intéressante vient d'être publiée sur le site de préprints Arxiv par une équipe allemande du Max Planck Institute. Ils suggèrent que le nuage G2 n'est pas vraiment un nuage, mais plutôt une zone dense située à l’intérieur d'un flot de matière, et qu'au lieu d'être attirée par Sgr A*, ce flot ne ferait que passer auprès du TN sans tomber dessus pour former un disque d’accrétion.

Si ç'avait été le cas, nous aurions eu droit à de belles émissions de rayons X et d'ondes radio. Evidemment, en n'étant pas accéléré à des vitesses folles, le gaz n'a aucune raison de produire de tels rayonnements. Le flot continu de matière que les astrophysiciens allemands évoquent aurait été extrait de l'enveloppe d'une étoile qui serait passée un peu trop près du trou noir il y a relativement peu de temps, environ une centaine d'années seulement.

Vue schématique du centre galactique (Nature)
Ils ont en remarqué qu'un autre nuage de gaz nommé G1, découvert il y a dix ans avait quasi la même orbite que G2 et se mouvait même dans le même plan.

L'hypothèse de l'équipe qui a scruté la zone de Sgr A* à l'aide du Very Large Telescope est que G1 et G2 font tous les deux partie du même flot de matière qui traverse la zone centrale de la Galaxie. Et c'est peu ou prou la même idée qu'avaient émise James Guillochon et Avi Loeb du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics à Cambridge en avril dernier dans un article paru dans the Astrophysical Journal Letters.

Andrea Ghez
(photo Kyle Alexander)
Si cela s'avère exact, il se pourrait que d'autres boursouflures gazeuses apparaissent à la suite de G2 avec pourquoi pas un passage légèrement plus près de Sgr A* avec des conséquences observables... 

Mais il existe aussi d'autres hypothèses qui voient les choses très différemment. Andrea Ghez, astrophysicienne à l'université de Californie à Los Angeles, qui s'est spécialisée dans la région de Sgr A*, pense, à partir d'autres données d'observations, qu'il y a une étoile cachée dans le "nuage" G2, rien de moins ! Son équipe fait des images de la région de Sgr A* en observant la poussière interstellaire, et tout indique selon eux la présence d'une étoile, qui par son attraction gravitationnelle, empêcherait le gaz de tomber vers le trou noir. Ils ont publié leur étude au début du mois de mai dans un Telegram of the International Astronomical Union

Quoi qu'il en soit, G2 est toujours en mouvement et pourrait traverser dans quelques années ou dizaines d'années la zone du disque de matière entourant Sgr A*. Toujours une occasion pour en savoir un peu plus sur ce qui passe là haut...


Références : 

The Galactic Center cloud G2 and its gas streamer
Oliver Pfuhl et al.
arXiv:1407.4354 , soumis à Astrophysical Journal

Detection of Galactic Center Source G2 at 3.8 micron during Periapse Passage Around the Central Black Hole
A. M. Ghez et al.
Telegram of the International Astronomical Union2 May 2014

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