mardi 23 juillet 2013

La Terre Vue Depuis Saturne par Cassini

Cette image a été prise le 19 juillet dernier par la sonde Cassini actuellement en orbite autour de Saturne. Elle nous montre cette toute petite boule bleue qui est notre planète, vue à une distance de 1,44 milliards de kilomètres.
NASA/JPL Caltech Space Science Institute
Cette superbe vue est effectuée à partir de la zone à l'ombre des anneaux de Saturne, avec un angle d'environ 20 degrés en dessous du plan des anneaux. Cassini se trouve ici à 1,21 millions de kilomètres de Saturne.

jeudi 18 juillet 2013

Capturer un Astéroïde : la NASA Voit Trop Grand ?

La NASA a élaboré un plan pour aller capturer un petit astéroïde et le rapprocher de la Lune pour l’étudier de près. C’est un des éléments de l’Asteroid Initiative que Barack Obama a annoncé en avril dernier pour mettre au budget 2014.

Et du challenge, il y en a. Pas tant dans la technologie permettant de faire cette récupération, mais surtout pour trouver le bon caillou… En fait, il n’y a qu’une poignée d’astéroïdes qui pourraient s’avérer adéquats. Le groupe de travail qui s’est réuni le 9 juillet dernier à l’académie des sciences américaine à Washington s’est conclu dans un scepticisme assez marqué. Les planétologues spécialistes des astéroïdes ont exprimé leurs doutes aux responsables de la NASA.

Vued'artiste d'un système de capture d'astéroïde (NASA)
Si le projet trouve un financement, alors la NASA va devoir faire de gros efforts pour enrichir les bases de données sur les astéroïdes de petites dimensions. En effet, même si le contenu de la mission reste assez flou, on sait quel genre d’astéroïde serait utile : un objet suffisamment solide, de l’ordre de 10 m de diamètre, et possédant une trajectoire idoine pour être capturé par un vaisseau lancé en 2017.
Parmi les plus de 10000 astéroïdes proches de la Terre, seulement 370 seraient suffisamment petits pour être capturés. Mais parmi ces 370 actuellement connus, seulement 14 ont une orbite adéquate… Et parmi ces 14, uniquement 4 ont déjà été étudiés plus ou moins en détails pour que l’on en connaisse quelques propriétés sur leur texture ou leur vitesse de rotation. C’est dire le manque de candidats sérieux pour le moment.

Il est par exemple requis que l’astéroïde sélectionné n’ait pas une vitesse de rotation supérieure à 2 tours/minutes pour ne pas endommager le système de capture.
L’idéal pour la NASA serait de trouver environ 15 nouveaux astéroïdes de 10 m à proximité dont la moitié avec une bonne orbite, et cela dans les 4 prochaines années ! Le gros problème, c’est que les équipements actuels dédiés à la recherche d’astéroïdes sont optimisés pour trouver des objets de plus de 150 m.
Les observatoires dédiés vont donc devoir s’améliorer grandement, ce qui est d’ores et déjà prévu pour certains d’entre eux comme le Catalina Sky Survey, qui a découvert la plupart des petits astéroïdes proches, et qui va voir s’ajouter deux nouvelles caméras en 2014, doublant ainsi son champ de vue et donc ses chances de trouver de petits cailloux errants…

Le télescope du Catalina Sky Survey (University of Arizona)
La NASA prévoit aussi de remettre en fonction un satellite plongé en sommeil depuis 2011, le Wide Field Survey Explorer, ainsi que mettre à contribution les télescopes PanSTARRS-2 et ATLAS situés à Hawaï. La multiplication de différents télescope s’avère cruciale dans ce type de traque car, une fois découvert, un petit astéroïde peut devenir très vite invisible et on a alors besoin de télescopes infra-rouge ou radio pour évaluer sa forme et sa composition.

Un astéroïde de 10 mètres de diamètre pèse environ 400 tonnes, la masse de la station spatiale internationale. Les ingénieurs américains du Johnson Space Center de Houston travaillent déjà au design de l’engin qui permettrait de capturer ce caillou. L’idée est relativement simple : il s’agit d’envoyer une sonde à proximité immédiate de l’astéroïde puis de déployer une sorte de grand sac pour ensuite le tirer lentement pour le rapprocher de la Lune en environ 4 ans.
Des astronautes pourraient alors dès 2021 se rendre au niveau du caillou capturé et en prendre quantité d’échantillons. Le coût estimé de l’opération se situe entre 1 et 3 milliards de dollars (disons au minimum 3 milliards, donc), mais officiellement, les officiels américains le répètent : il ne s’agit pas de faire de la science. A la limite, les échantillons qui seront prélevés n’auront que peu d’intérêt. Il s’agit avant tout pour les américains de se confronter à des challenges spatiaux pour s’entrainer dans des conditions difficiles avant de pouvoir aller plus loin vers Mars à l’horizon 2030 notamment.

A l’heure actuelle, nous ne savons pas si le l’asteroid initative va être financé.  Ce que l’on sait en revanche, c’est que les pontes de la NASA aiment proposer des programmes et réfléchir ensuite sur leur faisabilité. Une sorte de marche en avant forcée qui peut produire des effets bénéfiques, ou pas.

Source :
Asteroid plan looks rocky
Alexandra Witze
Nature 499, 261–262(18 July 2013)

dimanche 14 juillet 2013

Un Détecteur de Matière Noire à Base d'ADN

Katherine Freese est une astrophysicienne théoricienne pleine d'imagination, ce qui est plutôt intéressant pour une théoricienne. Cette chercheuse de l'Université du Michigan s'intéresse depuis de longues années à l'un des problèmes actuels les plus importants en astrophysique et en cosmologie : la matière noire (ou matière sombre).
Avec son équipe et un collaborateur biologiste, elle vient de proposer un concept de détecteur très innovant qui pourrait permettre de détecter très efficacement une caractéristique cruciale des WIMPs, à savoir leur direction, et avec une très grande précision.

Schéma du concept de détecteur de WIMPs à ADN (A. Drukier, K. Freese)
En effet, comme on le sait, le système solaire étant en rotation autour du centre galactique et plongé dans un halo de matière noire sous forme de WIMPs (hypothèse la plus couramment admise), et la Terre tournant autour du Soleil, il résulte une modulation apparente du flux de WIMP. C'est le signal qui est recherché par les expériences de détection directe des WIMPs. Mais il s'avère qu'il est aujourd'hui impossible de pouvoir mesurer la direction d'incidence des particules fantômatiques que sont les WIMPs. Or c'est en observant leur direction d'origine qu'on pourra être catégorique sur la nature galactique de la modulation annuelle observée. L'enjeu est de taille.

Pour connaître la direction des WIMPs qui font reculer les noyaux d'atomes par collision élastique, il faut pouvoir mesurer la direction du noyau qui recule, c'est aussi simple que ça. Mais les meilleurs détecteurs actuels, qu'ils soient des semiconducteurs, des cristaux scintillateurs ou bien des chambres d'ionisation à gaz, ne produisent des reculs de noyaux qui ne sont que de quelques nanomètres alors que la résolution spatiale de ces détecteurs n'est que de quelques micromètres, soit 1000 fois plus.

L'idée, assez géniale, de Katherine Freese est d'utiliser la biologie. Et plus exactement des systèmes biologiques que l'on maîtrise parfaitement aujourd'hui : l'ADN, sa multiplication et son analyse automatisée.
Le but est de parvenir à reconstruire la direction des WIMPs via la direction des noyaux d'atomes qui sont impactés, avec une résolution nanométrique. Quoi de mieux qu'un simple-brin d'ADN, parfaitement connu, et dont on peut connaître avec une très grande précision le lieu de cassure éventuelle ?

Flux de reculs moyenné dans le temps, en coordonnées galactiques (pour des WIMPs de 100 GeV, section efficace de 10-6 pb, modèle de halo standard avec une densité de 0.3 GeV/cm3; A. Green

Voici la méthode proposée : des milliers de simples-brins d'ADN sont produits avec une suite de bases bien choisies (A, C, T, G, A, C, etc, par exemple) et sont accrochés sur une feuille de métal de numéro atomique élevé, de l'or dans l'idée publiée.

Les WIMPs interagissent dans la feuille d'or et produisent des "noyaux de recul", qui vont pouvoir s'échapper de la feuille et vont ensuite se déplacer parmi les milliers de brins d'ADN situés en dessous. Lorsqu'un noyau lourd d'or rencontre un brin d'ADN, il le coupe littéralement. On obtient alors, lorsque de nombreux WIMPs vont faire de même, une série de brins d'ADN qui se retrouvent coupés à différents endroits.
Grâce aux techniques maintenant classiques de biologie moléculaire (la PCR, polymerase chain reaction), on arrive à amplifier l'ADN par un facteur de l'ordre du milliard. Une seule cassure de brin d'ADN devient tout à fait visible. En traitant l'ensemble des brins qui étaient suspendus à la feuille d'or, on peut obtenir une véritable trace indiquant la direction prépondérante des noyaux d'or, et donc des WIMPs...

Non seulement une résolution spatiale 1000 fois meilleure pourrait être obtenue par rapport aux meilleurs détecteurs actuels, permettant de mesurer la direction incidente, mais ce type de détecteur serait également sensible aux WIMPs de très basse énergie, ce que n'offrent pas tous les détecteurs classiques. De plus, il serait très peu sensible au bruit de fond, ne nécessitant ainsi pas forcément d'être installé en labo souterrain. Il ne nécessiterait pas non plus d'être refroidi à des températures cryogéniques.

Qui plus est, malgré une masse d'or nécessaire de l'ordre de 1 kg, ce type de détecteur serait a priori moins cher que ce qui se fait de mieux aujourd'hui et même plus polyvalent, l'or pouvant être remplacé par d'autres métaux pour explorer la masse et la section efficace des WIMPs par exemple...

Avec tous ces avantages si alléchants, il ne reste plus qu'à prouver la faisabilité expérimentale d'un tel dispositif, en espérant que cela puisse aboutir avant que d'autres expériences plus colossales soient arrivées au but plus rapidement...


biblio :
New Dark Matter Detectors using DNA for Nanometer Tracking
Andrzej Drukier, Katherine Freese et al.
Arxiv  1206.6809 v1 (28 juin 2012)

Optimizing WIMP directional detectors
Anne Green et al.
Astroparticle Physics vol. 27, (mars 2007), p. 142-149


mercredi 10 juillet 2013

Le Temps Existe-t-il ?

Prenez le Temps d'écouter ces deux conférences passionnantes par les deux plus grands spécialistes actuels du temps...


Le Temps existe-t-il ? (Etienne Klein, CEA)




La Physique a-t-elle besoin du Temps ? ( Marc Lachièze-Rey, CEA)




A lire également : Le Temps est-il une illusion ? sur le blog de DrGoulu : Pourquoi, Comment, Combien ?

dimanche 7 juillet 2013

De La Matière Noire Détectée Sans le Savoir ?

A écouter !

Dan Hooper est un physicien théoricien qui aime beaucoup la matière noire. Il l'aime tellement, il y croit tellement, pourrait-on dire, qu'il en est sûr, non seulement elle existe sous forme de WIMPs, mais en plus il arrive à en détecter là où les physiciens expérimentateurs ne la voient pas dans leurs données... Et il donne même la masse (et la section efficace) de la particule tant recherchée avec une précision assez déconcertante : entre 7 et 10 GeV.

Reprenons.
A ce jour, quatre expériences ont vu des événements compatibles avec des interactions de WIMPs dans leurs détecteurs, tout d'abord les italiens de DAMA, qui le clame depuis 2002 déjà, mais avec des méthodes semble-t-il controversées (encore que...). Ensuite les américains de l'expérience CoGENT en 2010, puis se fut le tour des allemands de CRESST en 2011. Enfin, très récemment, d'autres américains, avec l'expérience CDMS-Si.
Dan Hooper (Fermilab)
Toutes ces expériences de recherche directe de matière noire ont un point commun : les événements observés impliqueraient des WIMPs de faible masse, inférieure à 10 GeV, alors que la plupart des expériences étaient optimisées depuis des années pour chercher des particules aux environs de 50 à 100 GeV. 
Et le fait notable c'est aussi que toutes ces expériences utilisent des détecteurs de type différents : scintillateur NaI, germanium semiconducteur, scintillateur bolométrique en tungstate de calcium, et bolomètre silicium, respectivement.
Même si la plage de masse obtenue est à peu près la même, il reste des incohérences entre les différents résultats. Deux seulement se recoupent partiellement : ceux de CoGENT et de CDMS-Si. Mais il faut savoir que les trois interactions observées par CDMS-Si n'ont pas été clamées comme découverte par leurs auteurs, qui sont peut-être trop prudents.

Les physiciens de CoGENT, eux, sont sans doute un peu moins prudents. Il ont réanalysé en 2012 les données de l'expérience CDMS mais avec l'autre partie des détecteurs de CDMS, ceux en germanium et non plus en silicium. Et vous devinez ce qu'ils obtiennent ?  Des événements compatibles avec des interactions de WIMPs, et qui sont cohérents également à la fois avec ceux de CoGENT, et les récents de CDMS-Silicium...

Il y a encore mieux. Les quatre expériences mentionnées étaient toutes rejetées par une cinquième, qui les excluait toutes, il s'agit de XENON100, dont les résultats nuls avec un détecteur à base de xénon liquide permettaient de tracer une courbe d'exclusion qui rendait impossible la véracité des revendications des autres expériences. 
Le détecteur XENON100 (XENON Collaboration)
Vous avez sans doute noté que j'écris à l'imparfait. Car Dan Hooper, physicien très respecté du fameux Center for Particle Astrophysics au Fermi National Accelerator Laboratory vient de publier sur le site de preprints Arxiv une réanalyse des données de XENON100 (La réanalyse de données indépendante à tendance à devenir monnaie courante, et ce n'est pas pour nous déplaire).

D'une manière assez magistrale, Hooper nous montre que les deux événements situés dans la zone d'intérêt et qui avaient été estimés être du bruit de fond par les physiciens de XENON100 (ils avaient calculé qu'il devrait y avoir au maximum 1,2 événements de bruit de fond), possèdent en fait des caractéristiques très anormales.

Déjà, le bruit de fond attendu devait avoir une probabilité de 80% d'être constitué de reculs d'électrons et pour 20% d'interactions de neutrons. En étudiant attentivement la réponse de scintillation de ces deux interactions, Hooper trouve que ça ne ressemble pas du tout à des reculs d'électrons. La probabilité se réduit donc d'autant, ils ne seraient donc pas des électrons, et il resterait 3.5% pour que ces deux événements soient des neutrons.

Ensuite, Hooper observe qu'une caractéristique du signal de ces deux événements (le ratio de l'amplitude du signal S2/S1) est bien plus faible que celui qui est mesuré expérimentalement lorsqu'on approche une source de neutrons du détecteur en phase de calibrage... De plus, les deux signaux se trouvent très près du seuil de détection, alors que les neutrons s'"étalent" sur une grande plage...
Dan Hooper poursuit son étude en calculant ce que donnerait comme signal dans le détecteur XENON100  des WIMPs ayant les caractéristiques de celles déduites des données de CoGENT et CDMS. Vous devinez ? Les événements simulés se retrouvent exactement là où se trouvent les deux événements observés!...
A la lecture du papier, on sent l'auteur qui jubile derrière son clavier, on imagine le sourire de celui qui est sûr de lui... Il semble dire aux physiciens de XENON100 : "vous les aviez sous les yeux et vous n'avez rien vu!...".

Dan Hooper note tout de même un point important (et qui a sans sûrement mis le doute aux physiciens de XENON100) : si la masse attendue est la bonne, en revanche le nombre détecté n'est pas du tout conforme. Il devrait y en avoir cent fois plus avec la masse de ce détecteur et la durée du comptage... Qu'à cela ne tienne, Hooper apporte la preuve que tout peut être réconcilié à condition que quelques paramètres du détecteur XENON100, comme l'efficacité de luminescence par exemple, soient corrigés de leurs incertitudes.

Le conteneur de xénon de LUX dans son réservoir blindage (encore vide) (LBNL)
Pour finir son article plus qu'enthousiaste, Dan Hooper se lance dans la prédiction. Sachant qu'une expérience s'appelant LUX, utilisant elle aussi le xénon liquide, mais avec une masse beaucoup plus importante que XENON100 (350kg au lieu de 100 kg) et avec une efficacité de détection de la lumière de scintillation bien meilleure, est en train de démarrer aux Etats-Unis, il calcule le nombre de "candidats" WIMPs qu'elle devrait détecter. Le nombre est fabuleux : entre 3 et 24 par mois (oui, par mois!).

Je propose donc à toutes les expériences de recherche directe de matière noire d'envoyer très vite la totalité de leurs données à D. Hooper, Fermi National Accelerator Laborator, Batavia, Illinois en attendant l'annonce fracassante dans quelques mois. Peut-être arriverait-il à avancer la date ?


Référence :

Revisiting XENON100's Constraints (and Signals?) For Low-Mass Dark Matter
Dan Hooper
http://arxiv.org/pdf/1306.1790.pdf (7 juin 2013)

vendredi 5 juillet 2013

Des Bouffées d'Ondes Radio Ultracourtes : Phénomène Inédit

Une équipe d'astronomes anglais et australiens vient de détecter pour la première fois une population de bouffées d'ondes radios très particulières. Ces dernière sont ultracourtes et leurs propriétés laissent penser qu'elles proviennent de bien au-delà de la Galaxie.
Ces mystérieuses bouffées d'ondes radio ne durent que quelques millièmes de secondes et se répètent environ toutes les 10 secondes. Il s'agit d'un phénomène jusqu'alors inconnu.

Alors que des sources radio qui varient sur des durées de l'ordre de jours ou de mois ont été enregistrées depuis plusieurs dizaines d'années en provenance de galaxies lointaines, de tels signaux ultra courts extragalactiques n'avaient encore jamais été détectés.
Le radiotélescope Parkes (CSIRO)
C'est en 2007 que l'équipe s'est intéressée de près à ce type de sources après qu'un tel signal avait été suggéré en 2007 à partir d'observations faites en 2001 mais restées très controversées (le dénommé "Lorimer burst"). Dan Thornton et ses collègues ont utilisé les données archivées du radiotélescope australien de 64 m Parkes, celui-là même qui avait donné des indices  pour un tel signal en 2001. Et l'équipe de Thornton en a trouvé pas moins de quatre. 

Ces signaux montrent une évolution temporelle très caractéristique : leur fréquence décroit presque linéairement en fonction du temps.

Les ondes radios durant leur parcours dans l'espace sont diffusées et dispersées par la matière ionisée qu'elles rencontrent, surtout par les électrons. Ce sont les basses fréquences qui sont le plus affectées et moins les hautes fréquences.
Les quatre signaux trouvés, situés dans différentes régions du ciel, sont tellement dispersés que la quantité d'électrons de la galaxie qui se trouvent sur le chemin ne peuvent causer que 6% de cette dispersion... Ces signaux radio viennent donc de bien plus loin.
Grâce aux modèles du contenu en électrons du milieu intergalactique, les astronomes parviennent à estimer la distance parcourue par ces bouffées d'ondes radio : entre 5,5 et 10 milliards d'années lumière.

Intensité du signal en fonction de la fréquence (en y) et du temps (en x).
Ensuite, la grande brièveté et l'intensité des bouffées indiquent que l'on a affaire à de petits objets très énergétiques. Les astrophysiciens pensent qu'ils pourrait s'agir de magnétars (des pulsars avec un champ magnétique très intense), mais rien n'est certain à ce stade, puisque aucune contrepartie optique n'a été observée. C'est aujourd'hui un but des astronomes de Parkes que d'observer en "direct" de telles bouffées radio, de manière à pointer dans la foulée des télescopes optiques pour en savoir plus sur ce qui se passe...


Observer une contrepartie optique pourra permettre de connaitre assez précisément la distance de ces objets. Et connaissant la distance précise, la mesure de la dispersion des signaux radio pourra mener au calcul de la quantité d'électrons qui se situent sur le trajet intergalactique.

La connaissance de l'abondance des électrons n'est pas anodine : elle permet de connaître par déduction le nombre de baryons (protons et neutrons). Or il se trouve que le nombre de baryons dans les galaxies est toujours un sujet chaud, puisqu'une grande partie des baryons (la moitié!) qui ont du se former dans l'Univers primordial sont aujourd'hui aux abonnés absents, on ne sait pas où ils se trouvent...

Cette découverte importante d'une nouvelle classe de bouffées d'émissions radio, publiée aujourd'hui dans Science, pourrait ainsi fournir un outil très puissant aux astrophysiciens.

Référence :
A Population of Fast Radio Bursts at Cosmological Distances
D. Thornton et al.
Science  Vol. 341 no. 6141 pp. 53-56 (5 July 2013)

mardi 2 juillet 2013

L’Antimatière Tombe-t-Elle ?

Cette question pourrait sembler loufoque, mais elle est très sérieuse. Actuellement en cours d’étude au CERN, elle pourrait révéler des surprises aux conséquences révolutionnaires.

Une particule et son antiparticule se ressemblent beaucoup. Elles ont la même énergie de masse, mais toutes leurs caractéristiques quantiques sont opposées : charge électrique, spin, isospin, moment magnétique.
Cela signifie que les forces électromagnétiques qui agissent sur les antiparticules ou que produisent ces dernières, sont exactement opposées à celles des particules correspondantes. Alors qu’un proton sera accéléré dans un champ électrique vers l’électrode « moins », l’antiproton sera accéléré dans le sens opposé. Alors qu’un électron tournera dans le sens des aiguilles d’une montre autour d’un champ magnétique, le positron (ou antiélectron), lui, tournera dans le sens contraire.
Schéma du principe de l'expérience AEgIS (CERN)
Il ne paraît pas dénué de sens de se poser la question : « qu’en est-il avec la gravitation ? ». La force de gravitation est-elle différente entre une particule et son antiparticule ? Cette question est d’autant plus intéressante que personne n’a encore pu y répondre expérimentalement.

Evidemment, on sait que la masse des antiparticules n’est pas négative. L’énergie de masse d’un positron est la même que celle d’un électron : 511 keV. 
Quand un électron rencontre un positron, c’est d’ailleurs bien deux photons de 511 keV chacun qui sont créés…

Mais la masse d’un objet ou d’une particule peut être vue deux manières : d’une part la caractéristique qui « subit » un champ de gravitation : la « masse inertielle », et d’autre part, la caractéristique qui « produit » un champ de gravitation autour d’elle : la « masse gravitationnelle ». Ces deux aspects ne sont pas forcément semblables entre une particule et son antiparticule. Le ratio masse gravitationnelle/masse inertielle vaut 1.0 pour la matière, un atome d’hydrogène par exemple.

Le principal but de l’expérience AEgIS (Antihydrogen Experiment: Gravity, Interferometry, Spectroscopy) au CERN est de mesurer directement (et pour la première fois) l’accélération gravitationnelle de la Terre (qui est de la bonne vieille matière) sur des atomes d’antihydrogène (de l’antimatière, donc).
AEgIS est une vaste collaboration qui regroupe des dizaines de physiciens d’un peu partout en Europe.
L’expérience utilise des atomes d’antihydrogène pour la bonne raison que les antiparticules les plus aisées à utiliser (positrons et antiprotons), prises seules, sont électriquement chargées. Or les forces électromagnétiques sont bien plus intenses que ne l’est la gravitation. On n’arrive tout simplement pas à voir l’effet de la gravitation sur une particule chargée.
Schéma du principe de déflectomètre de Moiré (AEgIS collaboration)

Il faut donc fabriquer spécialement des atomes d’antihydrogène, ce qui n’est pas du tout une mince affaire…
Pour fabriquer un faisceau d’atomes d’antihydrogène, les physiciens utilisent les antiprotons fabriqués au CERN pour les besoins du LHC et par de complexes manipulations, parviennent à leur ajouter des antiélectrons qui viennent presque naturellement se mettre en « orbite » des antiprotons pour former ce que l’on peut appeler de l’antihydrogène.

Ces différentes manipulations sont les suivantes :
  •  Production de positrons (e+) à partir d’une source de sodium,
  • Capture et accumulation d’antiprotons provenant du ralentisseur d’antiprotons du CERN, dans un piège de Penning,
  • Production de positroniums (couple électron-positron en interaction électromagnétique de durée de vie très courte) par bombardement de positrons,
  • Excitation des positroniums par laser,
  • Recombinaison en antihydrogène par échange de charge entre les positroniums et les antiprotons refroidis (avec éjection des électrons).
  •  Formation d’un faisceau horizontal par accélération Stark (champs électriques inhomogènes)

Le faisceau d’antihydrogène ainsi produit est horizontal. Il est ensuite envoyé (sous vide bien sûr) dans un dispositif qu’on appelle un déflectomètre de Moiré. Le déflectomètre de Moiré sépare le faisceau initial en deux faisceaux parallèles qui forment une structure périodique. C’est grâce à la mesure précise de cette structure périodique que les physiciens parviennent à évaluer le mouvement des antiatomes par rapport à l’horizontale.

Le déflectomètre est couplé à un détecteur sensible à la position des particules, et qui permet alors de mesurer la différence observée à l’arrivée de l’altitude par rapport à l’altitude d’origine du faisceau. Ensuite, l’intensité de la force de gravitation à l’œuvre est déterminée en connaissant le temps de vol de ces antiatomes entre le moment de leur formation et celui de leur arrivée.
Les physiciens peuvent en déduire si les atomes d’antihydrogène tombent comme de l’hydrogène, si ils tombent plus vite ou moins vite, ou bien si ils… montent !

Vue d'ensemble de l'expérience AEgIS (CERN)
Vous l’aurez compris, nous n’avons pas encore la réponse. L’expérience vient tout juste de démarrer et le processus d’élaboration du faisceau d’antiatomes comme on l’a vu est très complexe.
Pendant ce temps-là, une autre expérience, elle aussi installée au plus près des meilleures sources d’antiproton, au CERN, dénommée ALPHA, s’attache à mesurer les différences potentielles entre hydrogène et antihydrogène. ALPHA a développé pour cela un système élaboré de piégeage d’antihydrogène.
Grâce à leur système, les physiciens d’ALPHA ont eu l’idée de regarder dans quelles zones se retrouvaient leurs antiatomes en fonction du temps, afin d’observer leur chute libre (ou montée libre). Ils ont publié il y a deux mois leurs premiers résultats, qui sont encore avec une grosse barre d’erreur, mais ils offrent une technique potentiellement puissante pour ce type de mesure qui pourra être améliorée pour gagner en précision. 
Le ratio Mg/M qu’ils déduisent pour les atomes d’antihydrogène est compris entre -75 et +110 (rappelons que ce ratio vaut 1 pour l’hydrogène). Tout est encore possible…

A ce stade, vous vous dites : « Qu'impliqueraient des antiatomes qui montent au lieu de chuter ? ».  
Si tel est le cas, nous sommes en face d’une révolution conceptuelle. Nous devrons abandonner le principe d’équivalence faible qui stipule que tout corps se comporte de la même façon dans un champ gravitationnel quelle que soit sa masse.
Mais il y a pire (ou mieux) : si il y a une réelle répulsion gravitationnelle entre matière et antimatière, on peut aussi penser qu’il y a répulsion entre l’antimatière et elle-même (de manière antisymétrique à ce que l’on connaît en électromagnétisme où deux charges identiques se repoussent et deux charges différentes s’attirent).
Les implications cosmologiques sont considérables. On pourrait enfin comprendre pour quelle raison on observe une asymétrie entre matière et antimatière dans l’Univers. Si l’antimatière n’est pas attirée par la matière mais au contraire la repousse, elle aurait pu se décorréler de la matière au cours de l’Univers très primordial, et en quelque sorte s’en éloigner pour peupler des zones de l’Univers non observable aujourd’hui.

Vue d'ensemble de l'expérience ALPHA (CERN).
De plus, si l’antimatière se repousse elle-même, cela signifie que les antiparticules primordiales (antiprotons et positrons) se sont peut être accouplées par interactions électromagnétiques, mais ensuite les antiatomes d’hydrogène n’auraient pas pu s’agglutiner autour des halos de matière noire dans l’Univers primordial : pas d’antiétoiles, pas d’antigalaxies. L’antihydrogène est voué dans ces conditions à errer seul dans l’espace infini…
Enfin, et c’est peut-être le plus troublant, des théoriciens ont montré qu’avec une antimatière répulsive, en faisant la simple hypothèse d’une symétrie originelle exacte entre quantités de matière et d’antimatière, l’Univers pourrait être très différent de ce que l’on pense aujourd’hui,  car ne nécessitant plus l’ajout d'une phase inflationnaire ni d'énergie noire… (en savoir plus).

Il y a sans doute un peu trop de « si » dans mes dernières phrases... Avant de refaire le monde, attendons un peu les futurs résultats de ces expériences qui sont assez méconnues et sans doute les plus passionnantes du moment !...


Références :
Expérience AEgIS ;

Expérience ALPHA :

Description and first application of a new technique to measure the gravitational mass of antihydrogen
The ALPHA Collaboration & A.E. Charman
Nature Communications 30 april 2013