mardi 3 décembre 2013

Tango pour un Couple de Trous Noirs Supermassifs


Une équipe d'astronomes vient de découvrir ce qui ressemble bien à un couple de trous noirs supermassifs tournoyant l'un autour de l'autre comme des danseurs de tango déments...
Cette très rare observation a pu être effectuée grâce au Wild Field Infrared Survey Explorer (WISE) de la NASA.
Des observations continues avec le télescope australien ATCA (Australian Telescope Compact Array) et le Gemini South au Chili ont révélé une structure étonnante dans la galaxie hôte, comme si le jet de matière de l'un des trous noirs était déformé par le second. 
"Nous pensons que le jet d'un des deux trous noirs est mis en mouvement par l'autre, comme une sorte de danse avec des rubans..." dit Chao-Wei Tsai, l'auteur principal du papier décrivant cette découverte qui est publié dans the Astrophysical Journal du 10 décembre.
Vue d'artiste d'un couple de trous noirs supermassifs (NASA)

Les deux trous noirs paraissent de fait très liés gravitationnellement. Cette découverte devrait permettre aux astrophysiciens de mieux comprendre comment se forment les trous  noirs supermassifs à partir de fusions de trous noirs déjà très massifs.

Le satellite WISE avait scanné tout le ciel en infra-rouge avant d'être mis en hibernation en 2011. C'est ce satellite que la NASA a décidé de remettre en service pour une tout autre recherche, celle visant à trouver des astéroïdes géocroiseurs (projet NEOWISE).
Les astrophysiciens se sont plongé dans les données de WISE première époque pour scruter des millions de trous noirs supermassifs au centre de galaxies, jusqu'à ce qu'ils tombent nez à nez avec le phénomène, qui fut baptisé WISE J233237.05-505643.5.

Peter Eisenhardt, du JPL (Jet Propulsion Lab) de la NASA qui est le responsable de WISE raconte qu'au début, ils avaient pris cette galaxie aux propriétés si inhabituelles pour une galaxie produisant une quantité considérables d'étoiles à un taux démesuré, mais en s'y penchant de plus près, il ne pouvait s'agir en fait que de la spirale sans fond de deux trous noirs géants.
Lorsque deux galaxies entrent en collision, ce qui est relativement fréquent, les trous noirs de chacune d'elles se retrouvent inéluctablement attirés l'un sur l'autre, et finissent par former un couple de trous noirs supermassifs, qui se tournent autour jusqu'à finir par fusionner pour former un trou noir deux fois plus gros (dans le cas où les deux TN supermassifs étaient de masse équivalente bien sûr, ce qui est rarement le cas).
NGC 2623 : deux galaxies en train de fusionner,
avec une intense activité centrale (Hubble Legacy/NASA/ESA)
La danse (macabre) débute généralement lentement, quand les deux TN sont séparés de plusieurs dizaines de milliers d'années lumière. C'est surtout ce type de binaires que l'on parvient à détecter.
Et les deux trous noirs ne cessent ensuite de spiraler l'un vers l'autre jusqu'à n'être plus séparés que par quelques années lumières. Seulement quelques spécimens de ce genre, binaires très resserrés ont jusqu'ici pu être identifiés, tous situés assez proche de nous. 
Le problème est que ce type d'objet est trop petit pour pouvoir être résolu par nos télescopes même les meilleurs. 
WISE J233237.05-505643.5 fait partie de ces trous noirs supermassifs binaires resserrés, mais est situé bien plus loin que ses congénères : à 3,8 milliards d'années-lumière de nous. 

La nature double de WISE J233237.05-505643.5 a pu être clairement identifiée grâce au radiotélescope australien par la forme en zigzag du jet de matière, totalement anormale. Les données dans le visible obtenues par Gemini South ont ensuite confirmé l'anormalité des structures de matière entourant les trous noirs danseurs.
Malheureusement, les astrophysiciens ne parviennent pas à déterminer la distance qui sépare le couple, mais on est sûr qu'elle doit être très faible.
La phase finale du tango pour deux trous noirs supermassifs est la fusion, qui doit en théorie être un événement produisant de grosses quantités d'ondes gravitationnelles, des vibrations de l'espace-temps. Ces ondes gravitationnelles sont activement recherchées par les physiciens d'un peu partout. Nul doute que la découverte d'un nouveau couple de trous noirs supermassifs très rapproché va leur donner un nouvel espoir.


Référence (preprint) :
WISE J233237.05-505643.5: a Double-Peaked Broad-Lined AGN with Spiral-Shaped Radio Morphology
Chao-Wei Tsai et al
To be published in the Astrophysical Journal (10/12/2013)

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